L'édito de Pierre, Maitre Pipier.

Pipe et écologie

Pierre Voisin - Maitre pipier - fabrication de pipes en bruyère

Pourquoi les bruyères ayant un ou deux défauts sont elles le plus souvent rejetées par les Pipiers?

Peur de proposer une pipe à défauts ?

Ou volonté d’excellence absolue ?

Il faut rappeler que seuls 5% d’un ébauchage sort en extra, c’est à dire sans défaut. 

J’ai parmi mes meilleures fumeuses une pipe avec un très gros défaut sur le côté du foyer et c’est un bonheur de la fumer et de l’avoir sauvée du poële à bois où terminent ces pipes défectueuses.

Que représente en volume le ou les défauts par rapport au volume de la tête de pipe ? Je vous le dis c’est infime.

Je préfère de loin une bruyère à défauts ayant un joli veinage qui apportera un goût excellent au fumage, à une bruyère sans défaut avec un grain de bois relâché et sans intérêt au niveau du goût. 

Alors bien entendu il y a les puristes,

ceux qui ne supportent pas le moindre défaut et qui veulent en plus un grain de bois superbe. Sortez votre argent du compte épargne, ça existe et c’est plus rare.

Plaçons nous maintenant sur un plan écologique. Pourquoi mettre dans le poële à bois des têtes de pipe qui peuvent se révéler excellentes à fumer ?

Différents traitements se sont appliqués sur ces pipes à défaut car il faut le reconnaître, les défauts ne sont pas agréables à l’œil.

Tout d’abord le sablage qui a la particularité de donner un aspect irrégulier en creusant les parties tendres du bois. Le résultat est très intéressant puisqu’il apporte légèreté et bel aspect une fois la finition brute ou couleur apportée.

Les rebouchages… énormément utilisés par les Pipiers, cette solution vaut pour de petits défauts, ce qui permet d’apporter une belle finition unie. Je n’y suis pas opposé tant qu’il s’agit de petites rectifications.

Le rusticage, une solution mécanique puisqu’il s’agit de creuser dans le bois pour lui donner un aspect rugueux. Cette opération peut se faire soit à l’outil à main soit sur le tour avec une fraise. Les défauts disparaissent alors dans le décor et le résultat est propre.

Quant aux bruyères présentant de grosses crevasses après ébauchage, deux solutions s’offrent au Pipier : soit le poêle à bois pour chauffer l’atelier en hiver, soit le rebouchage à outrance pour en faire des pipes très bas de gamme vendues à très bas prix pour des fumeurs extrêmement peu exigeants…

En résumé, ne soyons pas élitistes à outrance, d’excellentes bruyères vous offriront de belles surprises au fumage dans des gammes moyennes.

A l’heure où le gâchis est de plus en plus montré du doigt, sachons revenir au bon sens, accepter que notre monde n’est pas parfait et suivre ce que la nature tente de nous enseigner.

Pierre VOISIN

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